Les Voisins vigilants se développent autour de Ribeauvillé

La presse en parle : l'alsace

Alors que le dispositif officiel « Participation citoyenne » est au point zéro, les Voisins vigilants prennent de l’essor dans la région colmarienne. Une réunion d’information aura lieu ce soir à Illhaeusern.

« Si je n’appelle pas la police, mon voisin le fera »… C’est le slogan, un peu abscons, des Voisins vigilants (VV). Un système qui nous vient des États-Unis et qui a débarqué en France en 2002.

Qu’est-ce qu’un voisin vigilant ? Quelqu’un qui est attentif à ce qui se passe et qui lance des alertes sur le site internet des VV s’il repère quelque chose de louche. Tous les autres membres de la communauté recevront immédiatement l’alerte sur le web et sur leur téléphone portable. L’observateur peut également téléphoner à la gendarmerie ou à la police.

Il s’agit donc d’un réseau d’échanges d’informations et rien que ça, assure, notamment Fabien Becker, référent de la communauté de Ribeauvillé : « Nous ne faisons pas de rondes, nous ne sommes pas une milice. »

Cet ancien militant socialiste, ancien candidat aux élections législatives ou cantonales, s’est engagé dans les VV à la fin de l’année dernière après une nuit de « sueurs froides ». Cette nuit-là, réveillé par son chien, il a vu deux hommes en train d’essayer d’ouvrir la porte de sa maison. En se manifestant, il a fait fuir le duo, mais cela a été le déclic. « On est dans une société où il y a de plus en plus de risques. Y a qu’à allumer la télé ou lire le journal pour comprendre que les cambriolages sont en progression. Et ça ne va pas s’arrêter. Voisins vigilants, pour moi, c’est du civisme, de la solidarité. »

Quelques alertes

Sur la base de cette certitude, Fabien Becker a convaincu 24 Ribeauvilléens. Une vingtaine supplémentaire devrait s’inscrire bientôt. Pour cela, il a créé un blog, une page Facebook et organise des réunions en appartement. « On a fait trois ou quatre alertes pour l’instant, pour des gens qui démontaient des plaques numérologiques et d’autres des pneus, par exemple. C’est pas énorme, mais plus on sera nombreux, plus on aura d’alertes ».

Toujours selon Fabien Becker, l’Alsace serait moins friande de ce dispositif que les autres régions françaises. « C’est à cause de l’histoire, les gens ont peur qu’on prenne ça pour de la délation ». Cette théorie circule également dans les gendarmeries, concernant le dispositif concurrent et officiel « Participation citoyenne » (voir l’encadré à droite). Pourtant, la mayonnaise est en train doucement de monter dans la région colmarienne.

C’est ainsi qu’une communauté est en cours de création à Illhaeusern où se tiendra, ce soir, une réunion. Derrière, une jeune femme de 35 ans, assistante administrative et comptable : Céline Rémy. Son nom est apparu lors des dernières élections municipales, sur une liste sans étiquette. « J’ai lancé la chose car on a eu pas mal de cambriolages dans le village. Six d’affilée en mars et aussi en décembre, dans le même quartier. Les gens ont commencé à en avoir marre. Surtout ceux qui ont été cambriolés deux fois. Ils ont dit, on ne peut pas se laisser faire comme ça ; je me suis dit, il faut faire quelque chose. »

« Ne pas se faire justice »

Céline Rémy ne se voit pas en justicière, au contraire : « Je voulais aussi mettre en place ce système car des personnes cambriolées commençaient à dire qu’elles allaient faire des rondes, qu’elles allaient les choper. Voisins vigilants, c’est montrer qu’on peut faire autrement que de se faire justice soi-même. »

À Bergheim, c’est Émilie Traber, agent immobilier, 29 ans, qui a lancé la communauté. « Parce que ça m’agace quand, tous les lundis, en ouvrant ma page Facebook, je vois des amis qui ont été cambriolés ». Elle-même n’a pas été victime, même si on lui a « ouvert » sa cave. « Je pars du principe qu’on travaille tous les jours pour essayer d’acquérir quelque chose et que c’est triste de se dire qu’en une nuit, on peut tout perdre. »

Aucune remise en cause du travail des gendarmes chez cette jeune femme : « Ils sont une quinzaine pour tout le canton, ils ne peuvent pas être partout. Et si on ne leur dit rien, ils ne peuvent pas deviner qu’il y a un cambriolage ! »

Émilie Traber n’a fait qu’une alerte, pour des « gens qui regardaient des maisons et rentraient dans la cour » en face de son lieu de travail. « Les gendarmes sont venus en moins de trois minutes, on ne peut pas être plus réactifs ! » Mais, vérification faite, il s’agissait de commerciaux qui faisaient du porte-à-porte. VV permet aussi de prévenir quand on part en vacances, pour une vigilance accrue. « Soit on agit, soit on laisse faire… Mais alors, il ne faut pas se plaindre si on ne trouve pas les auteurs des cambriolages ! »

Une réunion d’informations se tiendra ce soir à 20 h à la salle des fêtes d’Illhaeusern. Contrairement à certaines rumeurs, le maire de la commune Bernard Herzog ne semble pas opposé a priori au principe : « J’irai à la réunion. Ma préoccupation en tant que maire est de trouver une solution, en complément de l’action de la gendarmerie, pour que les gens se prémunissent contre les risques. Mes administrés sont en attente de cela. Toutes les initiatives sont bonnes et les Voisins vigilants sont une solution. Je ne ferme pas la porte à cela, je vais écouter les gens. »

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Voie officielle :

Pour le moment, les gendarmeries ne s’inscrivent pas sur le site des Voisins vigilants. Ils ne participent pas non plus aux réunions de l’association. Ce qui génère de l’incompréhension chez ceux qui pensent œuvrer pour la sécurité, donc pour aider les forces de l’ordre…

Ce positionnement a une explication simple et un peu absurde : l’ancien ministre Claude Guéant avait créé un dispositif similaire à celui des Voisins vigilants, en 2011, dénommé Participation citoyenne. C’est exactement la même chose, sauf que l’initiative revient au maire, avec intervention du préfet et du procureur de la République. L’idée était de faire participer la population à la sécurité de son environnement, en incitant à prévenir les forces de l’ordre en cas de comportements suspects. On peut se demander pourquoi le ministre ne s’est pas appuyé sur les VV, qui existaient déjà…

Du coup, les gendarmes sont un peu coincés. Mais il n’y a pas de rejet des Voisins vigilants. « Ce sont des initiatives privées, d’une partie de la population, on n’a pas à se positionner », déclare le commandant de la compagnie de Colmar Loïc Mutelet. Il précise que les informations apportées « sont prises en compte, comme avec n’importe quel citoyen ». Et admet la possibilité de retombées positives. Le responsable précise néanmoins qu’aujourd’hui, « quasiment aucun dossier n’a été solutionné grâce aux VV ». Forcément, les autorités mettent « leur » dispositif en avant, même si celui-ci ne remporte guère de succès sur le secteur : « C’est zéro. On a pourtant contacté de nombreux maires, personne n’a suivi. » Et Loïc Mutelet de conclure : « C’est très bien que des gens s’organisent. Ce serait encore mieux de rentrer dans le dispositif officiel, qui a le mérite d’être encadré. » Fabien Becker, référent Voisins vigilants à Ribeauvillé, explique : « Là, on nous donne un moyen de communiquer entre nous, un site. Ce support n’existe pas avec Participation citoyenne où les gens ne font qu’appeler les gendarmes. Ça nous rassure, on représente un groupe, on se sent solidaires et puis on est indépendant, on ne dépend pas d’une autorité. »